LEAVE SPACE

LEAVE SPACE

Alessia Sanna et Alexandre Weisser, Résine, acier, enceintes, vidéo projecteurs, 200 x 270 cm, Le Pavillon, Namur, Stellar Scape, 2024-2025.

Leave Space établit, à travers sa forme sculpturale contenue dans une sphère armillaire, un décompte précis du nombre et du type d’objets composant notre paysage spatial proche.

Photographiée à un instant T (2023), cette mise en volume des données questionne l’impact des activités humaines sur les environnements lointains. Elle met en lumière les débris indétectables pour l’œil, et les acteurs économiques responsables de cette pollution.

Activée par un mapping génératif informatique et un environnement sonore, cette œuvre déploie un scénario ou le lancement de Spoutnik 1, en 1957, est le point de départ d'une conquête spatiale gouvernée par cette figure symbolique qu'incarne aujourd'hui Elon Musk. Les orbites basses et géostationnaires deviennent alors le théâtre d'une guerre de territoire, scénarisée à travers la visualisation de jeux de données et de leurs extrapolations. Une fiction spéculative où le Syndrome de Kessler mène fatalement à l’effondrement de nos technologies de télécommunication.

En 2023, sur l’outil Wayfinder de Privateer, nous pouvions trouver une photographie instantanée de données représentant plus de 9000 satellites actifs, plus de 24000 objets indéfinis, débris, et de corps de fusée. Ce compte est intéressant, pertinent, détaillé et actuel ; nous nous en servirons comme base.

D'autres sources encore, telle que Satmap répertoriaient 34 479 objets satellitaires sur les différentes orbites de notre planète, dont seulement 9 760 sont des satellites fonctionnels et utiles, dont 4 430 appartenant à Starlink.

Le débris spatial devient ici à la fois une trace et un signal. Ils interrogent les motivations éthiques, politiques, techniques, législatives et économiques derrière la constitution d’empires spatiaux emblématiques des dérives gargantuesques de notre époque.

Entre ambitions scientifiques, commerciales et militaires, quels risques font peser cette course à la satellisation ? Que révèle cette dynamique sur la privatisation croissante d’un bien commun ?

Ces questions ont été abordées lors de la résidence « Astronomie » organisée par le KIKK Festival à Namur en 2023, grâce à la collaboration avec :

  • le Delta
  • le FabLab du TRAKK
  • L’Université de Namur
  • L’observatoire astronomique Antoine Thomas, sous la responsabilité du professeur en astrophysique André Fuzfa.

Ce temps de création recherche art-science a ainsi permis de constituer le socle théorique pour cette approche poético-critique.

4 grands principes consistent à transformer plastiquement les données par la matière, la lumière, le son et l’informatique. Ces gestes visent à :

1. Matérialiser par la sculpture :
Les données traitées font l’objet d’une conversion, passant ainsi du format chiffré au format plastique. Chaque donnée est comptée, énumérée et représentée, tout en veillant à respecter sa granularité.

2. Historiser par l’ordre d’apparition :
Les données acquièrent un affichage dynamique, mettant ainsi en mouvement et en évolution la forme plastique.

3. Spatialiser par projection :
Les données sont cartographiées par la lumière et le son. Elles possèdent ainsi des qualités physiques facilitant leur appréhension sensorielle dans l’espace.

4. Scénariser par l’extrapolation de datasets :
Les données sont avant tout des objets spéculatifs, véhiculant des récits fictionnels, uchroniques, prospectifs ou dystopiques mis en scène par le traitement de données.

1. L’armature en acier de Leave Space a été conçue dans l’esprit des sphères armillaires utilisées pour les modélisations de la voûte céleste datant de l’époque précopernicienne, traduisant une vision profondément géocentrique. Ce modèle est ici reconvoqué de sorte à produire une visualisation du paysage spatial actuel à la manière d’un rapport de proportion. Le centre de la sphère, représenté par l’agrégat de milliers de cubes, constitue l’ensemble des débris dénombré dans les jeux de données, tandis que la seconde armature regroupe tous les satellites fonctionnels. Au centre de la masse de cubes, la Terre y est à peine visible.

Différentes brillances pour les cubes afin de symboliser les différents types d’objets orbitaux. Au centre de la sculpture, les cubes renvoient des reflets holographiques. La sphère extérieure est quant à elle uniquement composée de cubes transparents : le rapport de proportion s’établit par la masse, mais également par la subtilité des reflets produits entre objets fonctionnels et non fonctionnels.

2. Le programme de visualisation a été réalisé par Alexandre Weisser avec Unity. Les sources de données nécessaires à la visualisation de données projetée concernent SpaceTrack, une organisation publique américaine ainsi qu’un agrégat de données issu de la plateforme privée Wayfinder. Chaque lancement est ici représenté par les signaux lumineux traduits par la projection audiovisuelle.

3. La lumière projetée sur la sculpture fait l’objet d’un mapping visant à dissocier les données réellement enregistrées — en blanc — dans un mouvement circulaire progressant de l’extérieur vers l'intérieur de la sphère. Le mouvement contraire, se déployant vers l’extérieur, indique une certaine forme de gravité, mais aussi d’absence de véracité : cette phase amorce le récit prospectif.

4. Sur une boucle de visualisation totale de 12 minutes :
La boucle de visualisation totale du mapping informatique dure 12 minutes. Il y a d’abord l’apparition de 34 000 vraies données sous forme de points blancs, puis 100 000 données extrapolées qui apparaissent → en bleu. Ce code couleur constitue les éléments de langage de ma pratique artistique qui accompagne des glissements : on opère ainsi des changements de registre, de ton, et de notes.

Le poids total de la sculpture est de 150 kg pour une hauteur de 2m70 avec le socle.
La sphère seule fait 2 mètres.

Faite à la main, la sculpture a demandé :

  • 630+ heures de moulage des cubes
  • 160+ heures de tissage dans l’armature
  • L’intervention de 30 personnes à différentes étapes de sa création

Kikk Festival

Mise en volume
Leave Space, vue immersive de la sculpture de pollution spatiale par Alessia Sanna Projection lumineuse de données orbitales dans l'œuvre Leave Space par Alessia Sanna Vue rapprochée de la sphère armillaire Leave Space d'Alessia Sanna Sculpture de données sur la pollution spatiale — Leave Space par Alessia Sanna Installation artistique Leave Space sur les débris orbitaux Mapping audiovisuel de Leave Space par Alessia Sanna Sculpture de données sur la pollution spatiale — Leave Space par Alessia Sanna Installation artistique Leave Space sur les débris orbitaux